
Source : essential Edition -- (Dof(cisco)) Date : 16-06-2025 19:21:09 -- N°: 1 -- Envoyer à un ai
ANALYSE POLITIQUE
La Côte d’Ivoire inscrite sur la liste noire de l’Union européenne : un signal d’alerte à forte portée politique
1. Un signal fort de l’Union européenne
Le 10 juin 2025, la Commission européenne a inscrit la Côte d’Ivoire sur sa liste des pays tiers à haut risque en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme (AML/CFT). Cette décision traduit une perte de confiance dans la capacité de l’Etat ivoirien à prévenir les flux financiers illicites.
Au-delà de l’aspect technique, cette inscription agit comme un levier diplomatique : l’UE impose ainsi, de manière indirecte, des réformes structurelles à un pays qu’elle considère comme stratégique en Afrique de l’Ouest.
2. Atteinte à la souveraineté et à l’image internationale
Sur le plan interne, cette décision fragilise l’image du gouvernement ivoirien, notamment en matière de gouvernance financière. Elle offre à l’opposition un angle d’attaque supplémentaire autour de la transparence des finances publiques, des marchés de l’Etat et de la gestion du foncier.
À l’international, cette mesure risque de freiner les investissements, de ralentir les transactions bancaires et d’entacher la crédibilité d’Abidjan, pourtant positionnée comme un pôle de stabilité dans la sous-région.
3. Arrière-plan sécuritaire : le Sahel à nos portes
L’insécurité croissante aux frontières nord, avec des incursions récurrentes de groupes armés, inquiète les partenaires de l’UE. Le risque que la Côte d’Ivoire devienne une "zone grise" sur le plan financier, facilitant des circuits de financement terroriste, a sans doute pesé lourdement dans la décision européenne.
4. Une mesure controversée : sélectivité politique ?
Certains analystes pointent une approche à géométrie variable de la part de l’UE. Tandis que des juridictions comme Monaco ou les Émirats arabes unis échappent à une application stricte des critères AML/CFT, plusieurs pays africains sont rapidement listés.
Cette situation alimente les discours souverainistes et critiques contre les instruments de pression occidentaux, perçus comme une forme de néocolonialisme financier.
5. Stratégie de sortie : un test politique à venir
Pour sortir de cette liste, la Côte d’Ivoire devra adopter un plan d’action conforme aux standards du GAFI : réformes juridiques, renforcement des capacités de contrôle bancaire et judiciaire, transparence dans les mouvements de capitaux.
Mais à l’approche d’échéances électorales, toute mesure perçue comme imposée de l’extérieur pourrait être politiquement coûteuse. Il faudra un équilibre subtil entre exigences internationales et maîtrisée du narratif national
Conclusion
L’inscription de la Côte d’Ivoire sur la liste noire européenne AML/CFT est moins une condamnation directe qu’un avertissement. C’est un signal politique qui révèle les vulnérabilités structurelles de l’Etat ivoirien face aux risques financiers internationaux.
Le défi pour le pays sera de transformer cette alerte en opportunité de modernisation, sans tomber dans la défiance populiste ou la victimisation diplomatique. Une ligne de crête exigeante, mais nécessaire pour préserver sa souveraineté et sa stabilité.